De Villa O’Higgins à El Chalten en vélo : A la découverte du Fitz Roy!
Le Fitz Roy : La récompense
Le Fitz Roy…
Fitz Roy… Ce nom résonne à mes oreilles comme une promesse de bout du monde. Comme un appel aux grimpeurs de l’extrême. Le bout du monde, on y est presque… Et pour ce qui est de l’escalade, je ne sais pas… Mais j’ai encore en tête les images du film d’Alex Honnold et de Jimmy Caldwell. Les premiers à avoir enchaîné les arêtes il y a trois ans. Ce fil parfait qui se découpe à l’horizon et forme un massif incroyablement esthétique. Si la légende est si grande et si l’escalade y est réputée si difficile, c’est non seulement à cause de l’immensité des falaises (verticales ou déversantes sur plus de 1200m), mais aussi et surtout à cause des conditions météorologiques extrêmes. Ici nous sommes dans une des régions du monde les plus difficiles de ce point de vue. Les rafales de vent à plus de 100 km/h font partie du quotidien des gens d’ici. Et les jours de soleil entre décembre et mars (l’été austral) peuvent se compter sur les doigts de la main d’un manchot… Certains viennent ici 3 mois dans l’espoir de ne serait-ce que tenter l’ascension… Et reviennent sans ne serait-ce qu’avoir aperçu le sommet.
Voilà pour la légende.
Dans la réalité, nous, on rigole bien. Après avoir enchaîné une vingtaine de jours de beau temps, ce qui est déjà un exploit, le bateau entre Villa O’Higgins et la frontière argentine largue les amarres avec un grand beau temps… La chance semble nous sourire encore un peu.
La plus belle frontière du monde
Après deux heures de bateau sur le lac O’Higgins nous arrivons à la douane chilienne. De là, nous attaquons les fameux 20km de « cauchemar » (dixit les cyclistes que nous avons croisés jusque-là). Tout ça parce qu’il n’y a pas de route… Bon on ne va pas en faire tout un plat, on a traversé le Sud Lipez, à côté, 20 km de chemin de randonné ça ne va pas nous faire peur quand même !
Et pour cause, le soleil brille, il n’y a pas de vent, et nous avons tout l’après-midi pour arriver de l’autre côté du col, en Argentine avec une vue promise incroyable sur le Fitz Roy. Une belle façon de le découvrir.
Après un bon pique-nique au soleil on attaque la piste. Bon ok, les 5/6 premiers kilomètres ne sont pas faciles, ça monte raide, la piste est caillouteuse. Virginie pousse le vélo la moitié du temps et je ne suis pas en reste. Mais les 10 kilomètres suivants sont faciles et surtout…
Le voilà. Le Fitz Roy. Après une petite bosse qui marque la frontière, le voilà qui se découpe à l’horizon. La vue est effectivement magnifique et tient toutes ses promesses.
Voici le phare qui guidait notre chemin depuis le début. J’ai toujours considéré le Fitz Roy comme la consécration de ce voyage. Depuis la Colombie, il y a plus de 7000 km, le Fitz Roy résonne comme la fin du voyage. Une fin lointaine au début, mais aujourd’hui, grâce (ou à cause) de ce monument de granit, cette fin est très concrète. Mais là, maintenant, je le vois avant tout comme une apothéose. Une certaine émotion ne manque pas de me serrer la gorge.
La Patagonie s’est offerte à nous avec un soleil resplendissant, nous avons vécu un mois de rêve depuis Bariloche, et là, au bout de la vallée, voici sans aucun doute le plus beau moyen de clore le chapitre de la Patagonie. Car je sais maintenant que c’est loin d’être la fin.. La Terre de Feu est encore loin et le Fitz Roy n’est pas la fin du voyage, mais plutôt la fin d’un chapitre.
Les six kilomètres de chemin de randonnée qui descendent vers le Lago del Desierto et la douane argentine sont effectivement difficiles en vélo. Mais nous sommes légers, les sacoches avant rentrent facilement dans le sac à dos, et le vélo est facilement maniable avec seulement les sacoches arrière. Nous n’avons pas besoin de porter les vélos, on les pousse sans problème en marchant à côté. Deux passages de traversée de rivière s’avèrent épiques mais sans plus. Je m’imagine cependant faire cette randonnée sous la pluie et dans la boue, et sans la vue magique sur le Fitz Roy et la lagune, et je comprends le cauchemar que certains ont pu vivre.
Nous arrivons donc rapidement à la douane où les passeports sont tamponnés en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Le douanier nous indique où planter la tente, c’est à dire où on veut au bord du lac. Bivouac trois étoiles ! Nous prenons quand même soin de nous abriter du vent qui ne manquera sûrement pas de se lever dans la nuit. Et effectivement il s’est levé mais nous étions bien abrités… (On apprend de ses erreurs^^)
Le lendemain matin, il nous faut prendre un deuxième bateau pour traverser le Lago del Desierto et rejoindre la route d’El Chalten.
Le bateau est à 11h et nous en profitons pour nettoyer un peu les vélos dans le lac.
La traversée prend à peine une heure et nous avons tout l’après-midi pour arriver tranquillement à El Chalten.
Reprise tranquille de l’escalade au Fitz Roy
Nous prenons alors nos quartiers à la Casa Azul, sans doute le meilleur plan logement dans le coin puisqu’on peut camper dans le jardin pour 5€ par personne tout en profitant d’un agréable salon cuisine à l’intérieur.
El Chalten.
Ce nom est évidemment indissociable du Fitz Roy. Mais je n’imaginais pas ça aussi touristique… Des bars, des restos, des Happy Hours ici, des Happy Hours là, des restos encore… Un supermarché hors de prix. On regarde tous les prix comme jamais on ne l’avait fait avant. A deux euros le paquet de pâtes on comprend pourquoi…
A l’auberge, on rencontre Simon et Déborah, deux Grenoblois (enfin non de la Chartreuse pardon!) qui ont commencé leur voyage à Punta Arenas il y a trois semaines… Et qui EUX on emmené tout leur matos de grimpe avec les vélos ! Corde de rappel, dégaines, baudards, mousquetons.. Et même coinceurs et friends ! Chapeau !
Les deux premiers jours à El Chalten sont moyens, avec un vent de folie (enfin on voit ce que c’est!) et quelques averses qui nous obligent à plier la tente pour prendre un dortoir… On en profite pour se reposer et s’occuper du blog malgré un réseau Wifi erratique. On fait du pain (trop cher de l’acheter au magasin et tellement meilleur quand c’est fait maison!), des pizzas et on traîne nos chaussons sur les blocs autour du village. Douce reprise de l’escalade au pied du Fitz Roy !
Et puis, le troisième jour, un créneau de 4 jours de beau temps est annoncé. C’est parti !
Le premier jour, on commence par aller visiter la Laguna Torre, qui promet un point de vue imprenable sur le Cerro Torre. Le Cerro Torre est peut être moins connu que le Fitz Roy par le grand public, mais pourtant, cette tour élancée et son chapeau de glace le rend tout aussi esthétique et surtout beaucoup plus dur que le Fitz Roy (première ascension en 1975 contre 1952 pour Fitz. Le Cerro Torre est rarement fait alors que le Fitz est sorti presque tous les ans).
Le Cerro Torre
Le chemin vers la lagune est facile et il nous faut moins de deux heures pour y arriver.
Quelle vue !
Les photos valent sans doute mieux qu’un long discours…
Nous restons plus de deux heures à contempler le Cerro et à écouter le glacier craquer. Nous sommes tout près. On voit les séracs s’effondrer (enfin Virginie à un peu de mal :p), et surtout on les entend. Des véritables explosions. Il fait chaud. Je suis même torse nu… C’est assez incroyable !
On a du mal à se défaire de ce paysage, mais nous avons prévu de rejoindre le campement Poincenot en passant par les laguna Hija et Madre, pour rejoindre le pied du Fitz Roy.
Le vent se lève doucement dans l’après-midi, mais le chemin reste dans la forêt et nous arrivons sans problème au camping. Celui-ci est gratuit, mais déjà bien rempli. Nous trouvons une petite place et au lit. Demain, le réveil est réglé à 4 heures 30 pour aller saluer le Roi à son réveil.
Le Fitz Roy
Dans la nuit, le vent se lève en tempête. Heureusement nous sommes bien abrités dans la forêt. Au réveil, le vent souffle toujours et quelques nuages semblent boucher la vue. Tant pis, on y va.
En me levant, j’entends un bruit bizarre… Le matelas a encore fusionné ! Nos matelas sont formés de 6 boudins dans le sens de la longueur. Et parfois, la frontière entre les boudins se rompt et deux boudins fusionnés, ça donne un gros boudin qu rend les nuits très inconfortables. On avait eu le même problème au Pérou. C’est irréparable. Heureusement le SAV d’Exped est réactif et on en avait eu un nouveau dix jours après. Mais là maintenant ça va être compliqué surtout qu’il ne reste que 10 jours de voyage pour Virginie. C’est un peu les boules. En plus de ça, les fermetures éclair de la tente commencent à sérieusement fatiguer et à se dédoubler (depuis déjà quelques jours mais ce matin c’est encore pire que d’habitude, Virginie prend plus de 5 minutes à ouvrir la sienne!) La journée commence bien.
Mais la montée bien raide à la frontale vers la Laguna de los Tres nous fait vite oublier tout ça. Nous avons laissé la tente en bas, nous sommes léger, la montée nous prend une heure et nous profitons d’un magnifique lever de soleil dans la vallée…
Arrivée en haut, la vue est spectaculaire. Bonjour le Roi Fitz Roy !
Mais malheureusement, un vent de folie nous empêche d’en profiter pleinement. Nous sommes abrités derrière un rocher, il est strictement impossible de rester debout plus de 20 secondes sans se faire emporter. Je n’avais jamais subi un vent aussi fort !
Les nuages restent accrochés au sommet, et la tour principale reste bien cachée la plupart du temps… J’arrive quand même à voler quelques clichés tel un soldat qui sort de sa tranchée pour tirer une salve…
Malgré tout cela, nous sommes ravi d’avoir fait l’effort de monter. Même si nous ne pouvons pas rester longtemps pour en profiter comme il se doit, le spectacle en valait la peine !
Le reste de la journée, par contraste avec la journée précédente, ne sera qu’une suite de galères. Nous levons le camp vers 10 heures pour rejoindre une vallée en face Nord du Fitz Roy et le Lago Electrico. Ce chemin est très peu couru et nous prévoyons d’aller voir quelques glaciers de plus près tout en admirant une vue différente du Fitz.
Si le début de la journée commence bien avec des jolis points de vue sur le Fitz Roy et le glacier des Piedras Blancas, la suite est beaucoup moins agréable. Sur la carte, un chemin est indiqué pour permettre 4km de raccourci en traversant à gué. Mais malheureusement, le niveau de l’eau est bien trop élevé, nous sommes obligés de faire ces quatre kilomètres de détour en redescendant jusqu’à la route principale. Bof…
Et puis ensuite, on se rend compte que le refuge devant lequel on comptait camper est privé et que du coup, le prix du camping est de 20€ par personne… Pour ne rien arranger, la vallée dans laquelle nous voulons nous engager est remplie de nuage noirs, et il commence à pleuvoir alors même que le vent forcit. Nous avons déjà fait plus de 10km sans compter l’aller-retour à la lagune du matin. Nous commençons à fatiguer. On décide alors de rentrer au camping Poincenot par un autre chemin, plus court. La pluie commence à tomber… à l’horizontal tellement le vent est fort. Heureusement, il est dans notre dos.
Mais le chemin sur ma carte est une vague trace que l’on n’arrête pas de perdre. La progression est difficile. Personne ne passe jamais ici. Finalement la pluie nous oblige à trouver refuge sous un gros bloc en surplomb où nous prenons le temps de faire un thé bien chaud. Nous sommes au pied du glacier de Las Piedras Blancas que nous admirions ce matin au soleil, depuis l’autre côté de la vallée. Maintenant, le brouillard à tout dévoré et le monde d’en haut a disparu.
La pluie ne se calme pas mais nous repartons. Le moindre ruisseau à traverser s’est transformé en torrent furieux et nous oblige aux acrobaties les plus improbables (on est monté dans des arbres pour traverser par les branches!).
Enfin, nous arrivons au camp après plus de 20 km dans les jambes et un lever à 4h30 pour finalement revenir à notre point de départ. Une journée à oublier… Trempés, fatigués, affamés, on plante la tente, on plonge dans les duvets, on mange et rideau !
Heureusement, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Ce matin, nous sommes réveillés à 8 heures par le soleil qui perce à travers les branches encore humides. Les oiseaux chantent, le Fitz Roy est complètement dégagé et il n’y a pas un brin de vent. Le monde est neuf, tout propre. J’envie ceux qui se sont levés ce matin pour le lever de soleil…
Du coup, nous décidons de remonter pour en profiter. De toute façon, les plans qu’on avait faits pour la suite se sont effondrés avec ce camping payant et la journée pourrie d’hier.
Mais quel bonheur de remonter. Nous ne le regrettons pas. Quel contraste par rapport à hier !
Le temps est magnifique, nous pouvons rester plus de deux heures à profiter du spectacle. C’est magique !
Voilà notre récompense ! Voilà notre apothéose !
Nous profitons au maximum de ce moment en sachant qu’il est unique. C’est un vrai bonheur d’être là devant ce monument. Les souvenirs affluent et nous mesurons le chemin parcouru pour arriver jusque-là. C’est un moment fort. Je crois que c’est la première fois que je réalise vraiment tout ce que nous avons vécu. Tous les paysages admirés, tous les bivouacs en pleine nature, tous les lieux visités, toutes les personnes rencontrées et toutes les routes traversées. Tout ça, pour être là, aujourd’hui, maintenant, devant ce mythe qu’est le Fitz Roy. La nature nous offre vraiment des choses incroyables. Il faut savoir en profiter, sans rien dire, rester là, assis, à contempler…
A la descente, on fait un crochet par la même route qu’hier pour retourner au glacier de Las Piedras Blancas, cette fois avec du beau temps. Nous allons à la Lagune pour pique-niquer.
Encore un glacier splendide que l’on prend plaisir à admirer et à écouter craquer. Et ici, pas âme qui vive.
Mais généralement, je m’attendais vraiment à avoir un monde fou de partout. En fait, il n’en est rien. Du moins, dans nos horaires. Nous avons toujours été presque seuls aux miradors et vraiment personne en faisant 200 mètres de plus mais nous avons croisé beaucoup de monde dans les descentes. Les gens sont des moutons qui se lèvent tous à la même heure et qui n’osent pas sortir des sentiers battus. Mais tant mieux, sinon on ne pourrait pas être seuls dans ces endroits !:)
Finalement, on arrive à s’arracher au paysage pour redescendre tranquillement à El Chalten. Nous sommes rassasiés des splendeurs du Fitz Roy, mais je n’attends qu’une chose… Revenir avec piolets crampons et partir sentir ces glaciers sous mes pieds… Et pourquoi pas ce granit sous mes doigts…
A l’auberge, nous avons le plaisir de retrouver Maïlys et Bastien que nous avions laissés sur la Carretera Austral un peu plus tôt. Ils ont adoré la vallée Chacabuco (trek dans le parque Patagonia où nous n’avions pas eu le temps d’aller avant Cochrane), mais par contre ils ont détesté le passage de frontière. Faut dire qu’ils ont eu mauvais temps et qu’ils sont chargés comme des baudets !
Pour nous, ce séjour à El Chalten touche à sa fin. Demain, on prend la route pour El Calafate où nous prendrons le bus pour Puerto Natales puis Punta Arenas où Virginie prendra son avion dans 7 jours. Nous renonçons à Perito Moreno et aux Torres del Paine par manque de temps et d’argent. Et puis nous savons que nous reviendrons… Nous ne voulons pas nous lancer dans un rush touristique en lâchant des billets de 100€ à chaque fois. On reviendra et on le fera correctement.
Je me sens nostalgique. Jusqu’à maintenant, nous avions toujours un gros objectif devant nous. Et le dernier entre tous, à mes yeux, c’était le Fitz Roy. L’enchaînement Carretera Austral-Fitz Roy est à mon avis la plus belle route et les 3 plus belles semaines de tout le voyage. Nous avons vécu des moments qui ont dépassé tous nos rêves. Jamais nous n’avions imaginé un tel beau temps. Nous sommes conscients d’avoir eu une chance incroyable… Merci Madame Patagonie pour ces moments merveilleux. La suite s’annonce beaucoup moins lyrique, beaucoup plus dure, mais peut être toute aussi belle et j’ai maintenant hâte de continuer ma route vers le Sud, seul, vers la fin du monde…
4 Comments
Qu’est ce que vos photos sont belles !!!
J’imagine vraiment à que point vous êtes heureux d’être allés aussi loin. Bravo à vous encore une fois… Vous nous faites bien rêver……
Gros gros bisous
C’est beau ce que vous nous montrez, mais c’est encore plus beau ce que vous nous dites! Je suis fier de vous les copains, bonne continuation jusqu’au bout du monde. Grosses bises! 🙂
Magnifique !!!
C’est vraiment superbe!
Gros bisous
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